België toen ik jong was

Teruggevonden op een gekopieerde CD van een computer van een Jaz-disk van een 3.5 inch disketje van een 5.25 inch diskette: ik moest blijkbaar ooit eens een uitleg doen hoe dat nu zat met België (voor een Franstalig publiek, duidelijk). 

Het moet nét na de staatshervorming van 1993 geweest zijn, bijna twintig jaar geleden. Geen spoor van BHV, toen. En bijna aandoenlijk optimisme. 

 

On Belgian Constitutional Law 

Mesdames, messieurs.

Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas l’intention de vous ennuyer avec un article technique sur les différentes réformes de la constitution belge. Nonnonnon, c’est bien plus marrant que ça. Vous verrez.

La Belgique existe depuis 1830. C’était un des premiers pays sur le continent à avoir une constitution “libérale”. C’est à dire que, en réaction contre la plus ou moins oppression de Guillaume Ier [leçon 1: il n’y a que du “plus ou moins” et des “à peu près” en Belgique], les libéraux et les catholiques ont bricolé une constitution des plus compactes et élégantes, avec plein de libertés (de presse! d’éducation! de religion! de langue!), avec plein de séparation des pouvoirs et avec une bien solide monarchie parlementaire.

D’ailleurs, la constitution belge à été copiée un peu partout, de l’Espagne en passant par la Grèce, l’Italie, la Bulgarie et autres Roumanie, Prusse, Pologne, Hongrie, voire même feu la Tchécoslovaquie.

Avec tout ce qu’il y avait de bien et d’innovateur, la Constituante de 1831 avait quand même “oublié” deux choses [leçon 2: la volonté des politiciens n’a rien à voir avec la volonté du peuple, surtout pas en Belgique]. Pour commencer, le droit de vote était limité aux riches, et, beaucoup plus important, la Belgique était unitaire: il n’y avait pas de différence juridique entre Flamands et Wallons.

Le droit de vote à été rendu universel au cours des années, mais le problème de Flamands et des Wallons n’a fait que se compliquer. Et c’est cela que j’aimerai bien vous illustrer aujourd’hui.

Je vous épargne l’histoire des réformes constitutionnelles [leçon 3: chaque réforme en Belgique est toujours “la dernière, promis juré”], et je préfère vous montrer le résultat des réformes de 1893, 1921, 1970, 1980, 1988 et 1993.

Parce que, vous voyez, la Belgique est devenue un pays fédéral. Il y a, en effet, trois communautés: la Française, la Flamande et l’Allemande. Il y a aussi trois régions: la région Wallonne, la région Flamande et la région Bruxelles-Capitale. Un exemple, tout en mathématique, vous comprendrez:

Communauté Française = région Wallonne – région Allemande + Bruxelles (simple non?)

Chaque communauté et région à son propre gouvernement (“exécutive”) et son propre parlement (“conseil”):

conseil région Wallonne = membres du Parlement national qui sont Wallons et qui habitent n’importe où + membres du Parlement national qui parlent Allemand + Membres du Parlement bilingues qui habitent à Bruxelles et qui ont prêté serment en Français

Il est peut-être intéressant de donner un exemple. L’agriculture est une matière régionale. Il y a trois régions. Il y a donc trois ministres de l’agriculture en Belgique. Quand il y a des négociations internationales, la Belgique vient à trois (peu importe que le ministre de l’agriculture de la Région Bruxelles-Capitale n’a qu’un [1, one] paysan dans toute sa région).

Ce qui rend l’affaire bien plus intéressante, c’est que les lois (“décrets”) des six exécutives ont la même force qu’une loi du gouvernement fédéral. Eh oui, un décret de la communauté Flamande peut détruire une loi nationale. Tout comme, d’ailleurs, une ordonnance de la région Bruxelles-Capitale – ah oui, parce que toute les régions produisent des décrets, sauf celle-là.

Mais de toute façon, il est clair qu’il faut un organe pour régler les conflits entre les différents nivaux de législation. Chez nous, c’est la cour d’Arbitrage qui s’occupe de ça. La Cour d’Arbitrage peut aussi juger la constitutionnalité de la législation.

Enfin, la constitutionnalité, c’est beaucoup dire: la Cour ne va contrôler que les violations possibles des articles 6, 6bis et 17 de la constitution (les principes d’égalité, de non-discrimination et de liberté d’éducation).

Ce n’est donc pas du tout comme aux Etats-Unis, où le juge à la possibilité du “judicial review”, c’est à dire qu’il peut dire qu’une loi transgresse la constitution. Sauf, j’oubliais presque, pour les ordonnances Bruxelloises, dont tout juge peut juger la constitutionnalité (et même à tous les articles). Sauf naturellement les ordonnances bipersonelles, qui sont des ordonnances que la région Bruxelles-Capitale prend en vertu d’une délégation de pouvoirs des communautés Flamandes et Francophones aux Chambres Réunies de la Commission Communautaire Commune (pas sur du terme, en Néerlandais ça s’appelle la “Verenigde Vergadering van de Gemeenschappelijke Gemeenschapscommissie”, si c’est pas beau ça on vous demande).

Mais je me perds dans les détails. Je vous entends demander qui à, tout au juste, la compétence résiduaire.

Aux Etats-Unis, en Suisse, en RFA, c’est tellement facile: il y avait d’abord les états, les cantons ou les Länder, et puis une fédération s’est formée aux alentours du 18ième ou 19ième. En Belgique, hélas peut-être, il y avait d’abord un pays unitaire, et ce n’est que depuis quelques dizaines d’années qu’on peut parler “d’états dans l’état”.

Ce qui fait que – crotte! – c’était l’état Belge qui avait le pouvoir résiduaire. “Était” et “avait”, oui. Parce que maintenant – flûte! – avec la plus récente réforme de l’état (celle du 5 mai 1993, très amusant pour les examens) on a donné le pouvoir résiduaire aux communautés et aux régions. À la bonne heure! Cinq ou plus de gouvernements qui détiennent “tous les pouvoirs qui n’ont pas été donné explicitement à quelqu’un d’autre”. La joie!

Et il y a pire: prenons par exemple un petit hôtel de famille aux Ardennes, ben pourquoi pas à Nadrin tiens. Le tourisme est une affaire régionale, c’est bien clair. Le permis d’exploitation, par contre, il faut aller le chercher chez les institutions fédérales. Et le statut des employés est réglé par la communauté. Amusant, non?

Je vous en passe et des meilleures, mais si tout cela semble bien ridicule, on ne peut pas oublier quelle situation délicate se produit en Belgique. Il y a deux communautés linguistiques, comme au Canada. Il y a en même temps une différence politique: la Flandre est plus centriste; la Wallonie plus socialiste. La Wallonie était économiquement beaucoup plus fort que la Flandre, les dernières 50 ans les positions se sont inversées. La Wallonie est nettement plus rurale que la Flandre plus urbanisée. Les Wallons insistent sur le développement des régions, la Flandre sur celle des communautés.

Bref, il s’agit bien de deux peuples dans un pays. On n’a qu’à regarder d’autres pays où c’est le cas pour voir que la Belgique, même si on rit parfois de ses complexités et des conséquences plus ou moins ridicules de ses réformes de l’état (le paysan Bruxellois qui prend le café avec “son” ministre), est en chemin pour devenir une fois de plus un exemple.

En effet, tout comme la constitution de 1830 était une constitution-modèle pour les nouveaux états libéraux et bourgeois en Europe Centrale et Orientale aux 19ième, le fédéralisme Belge montrera peut-être demain une solution paisible aux problèmes ethniques du Balkan et des républiques de l’ex-URSS.